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Page:Krudener - Valerie.djvu/153

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j’ai fait. Je retourne souvent à Lido. J’ai planté les arbustes qu’elle m’a envoyés ; j’ai fait mettre aussi la pierre sur le tombeau d’Adolphe. Hier, je suis resté fort tard à Lido ; j’ai vu la lune se lever. Je me suis assis au bord de la mer ; j’ai repassé lentement toute cette époque qui contient ma vie, depuis que je connois Valérie ; je me suis retracé ces soirées où, assis ensemble, nous entendions murmurer le jonc flétri autour de nous ; où la lune jetoit une douteuse et pâle clarté sur les ondes, sur les nacelles des pécheurs ; où sa timide lueur arrivoit en tremblant entre les feuilles de quelques vieux mûriers, comme mes paroles arrivoient en tremblant sur mes lèvres, et parloient à Valérie d’un autre amour. Alors aussi les filles de sainte Thérèse entonnèrent de saints cantiques ; et ces voix réservées pour le Ciel seul, arrivant tranquillement à nous, conjurèrent l’orage de mon sein, comme autrefois le divin législateur des chrétiens conjuroit la tempête de la mer et ordonnoit aux vagues de se calmer. Tout cela m’est revenu dans cette mémoire que nous portons dans notre cœur, et qui n’est jamais sans larmes et sans doux attendrissement.

Peut-être ne devrois-je pas penser ainsi à Valérie, revenir à elle par tous les objets qui me la retracent ; je le sens bien : il n’est pas prudent de chercher le calme par ces chemins dangereux.

Mais enfin l’essentiel n’est-il pas de me retrouver moi-même, et, avant de jeter le passé dans