Aller au contenu

Page:Krudener - Valerie.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

amis ? Cela seroit bien naturel. Mais pourquoi nous craindre ? pourquoi vous gêner ? » Pour toute réponse, je levois les yeux au ciel et je soupirois. « Mais qu’avez-vous donc ? » me dit-elle d’un air effrayé. Je m’appuyai contre la cheminée sans répondre ; elle a soulevé ma tête, et, d’un air qui m’a rappelé à moi, elle m’a dit : « Ne me tourmentez pas, parlez, je vous en prie. » Son inquiétude m’a soulagé ; elle m’interrogeoit toujours. J’ai mis ma main sur mon cœur oppressé, et je lui ai dit à voix basse : « Ne me demandez rien, abandonnez un malheureux. » Mes yeux étoient sans doute si égarés qu’elle m’a dit : « Vous me faites frémir. » Elle a fait un mouvement comme pour mettre sa main sur mes yeux. « Il faut absolument que vous parliez à mon mari, a-t-elle dit, il vous consolera. » Ces mots m’ont rendu à moi-même ; j’ai joint les mains avec une expression de terreur. « Non, non, ne lui dites rien. Madame, par pitié, ne lui dites rien. » Elle m’a interrompu : « Vous le connoissez bien mal, si vous le redoutez ; d’ailleurs, il s’est aperçu que vous aviez du chagrin, nous en avons parlé ensemble, il croit que vous aimez… » Je l’interrompis avec vivacité : il me sembloit qu’un trait de lumière étoit envoyé à mon secours pour me tirer de cette terrible situation. « Oui, j’aime, lui dis-je en baissant les yeux et en cachant mon visage dans mes mains pour qu’elle n’y vît pas la vérité, j’aime à Stockholm une jeune personne. — Est-ce Ida ? » me dit-elle. Je secouai