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Page:Krudener - Valerie.djvu/80

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fureur au milieu de ces tranquilles campagnes. Un groupe de cyprès et des colonnes à moitié ruinées fixèrent notre attention. Le comte nous dit que c’étoit sûrement quelque temple ancien. Cette terre couverte de grands débris s’embellit de ses ruines, et les siècles viennent expirer tour à tour dans ces monumens, au milieu de la nature toujours vivante. Nous nous écartâmes du grand chemin pour aller visiter ce temple dont l’architecture corinthienne nous parut encore belle. Apparemment que les habitans du village aimoient ce lieu solitaire, que les cyprès et le silence sembloient vouer à la mort. Nous vîmes son enceinte remplie de croix qui indiquoient un cimetière ; quelques arbres fruitiers et des figuiers sauvages se mêloient au vert noirâtre des cyprès. Une antique cigogne paroissoit au sommet d’une des plus hautes colonnes, et le cri solitaire et aigu de cet oiseau se confondoit avec la bruyante voix de l’Adige. Ce tableau à la fois religieux et sauvage nous frappa singulièrement. Valérie, fatiguée ou entraînée par son imagination, nous proposa de nous reposer. Jamais je ne la vis si charmante : l’air du matin avoit animé son teint ; son vêtement pur et léger lui donnoit quelque chose d’aérien, et l’on eût dit voir un second printemps, plus beau, plus jeune encore que le premier, descendu du ciel sur cet asile du trépas : elle s’étoit assise sur un des tombeaux ; il souffloit un vent assez frais, et, dans un instant, elle fut couverte d’une pluie