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d’un chef. Je ne pense pas qu’on puisse encore soutenir sérieusement aujourd’hui, comme le fait cependant M. Deldevez dans son Art du chef d’orchestre, que le violoniste est l’instrumentiste désigné naturellement pour remplir les fonctions du chef d’orchestre et que l’archet seul permet de « jouer » de l’orchestre, mais « à la condition d’être tenu par la main d’un violoniste ». C’était bon cela du temps où le violino primo avait invariablement la partie chantante, soit qu’il dessinât le cantabile d’une façon indépendante, soit qu’il doublât un chanteur. Aujourd’hui, le violon n’a plus cette situation exceptionnelle dans l’ensemble instrumental et ses titres à la direction ont perdu de leur valeur, quoiqu’en pense M. Deldevez. Avec une candeur peut être un peu intéressée[1] il explique dans un long chapitre de son livre que l’idéal du chef d’orchestre c’est le compositeur-violoniste. Que le chef d’orchestre sache l’art de la composition, c’est la première condition qu’il ait à remplir ; mais qu’il soit ou non violoniste, cela importe fort peu en vérité. Il y a même ce fait piquant que parmi les chefs d’orchestre fameux de ce siècle, hormis Habeneck, il n’y a pas un seul premier violon. Mendelssohn, Jules Rietz, Ferdinand Hiller, Franz Lachner, Liszt qui ont été des chefs fameux en Allemagne, étaient tous pianistes ; et actuellement encore, les chefs les plus réputés à côté de M. Richter : Hans de Bulow, Félix Mottl de Calsruhe, Lévy de Munich, Sucher de Berlin, Viola d’Amsterdam, Rubins-

  1. M. Deldevez fut, on le sait, violoniste avant de devenir le chef d’orchestre de l’Opéra et de la Société des concerts du Conservatoire de Paris.