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l’art de diriger

et des formes propres à la caractéristique de la race à laquelle il appartient. Un compositeur allemand, par exemple, qui emprunte des formes italiennes, devra-t-il être interprété à l’italienne ou à l’allemande. La question a son importance. Elle ne peut être tranchée d’une façon générale. Il s’agira avant tout de savoir quelle est dans l’œuvre à diriger l’élément qui domine, de l’éclectisme ou de la race.

Le second élément dont M. Benoit veut que le chef d’orchestre se préoccupe est la personnalité et la pensée générale de l’artiste telle qu’elle se reflète dans l’ensemble de ses créations. Après cela, il s’agira de dégager l’idée propre à chaque œuvre. Il faut donc aller de l’homme à l’œuvre et de l’œuvre à l’homme.

À ce point de vue, on ne pourra oublier la situation particulière de l’artiste au regard des aspirations de l’époque où il a vécu, s’il est allé au delà ou s’il est resté en deçà. Ceci est important. Richard Wagner, dans sa brochure sur l’Art de diriger[1], à laquelle j’aurai à revenir ultérieurement, raconte qu’à Prague il avait entendu Dionys Weber[2] déclarer que la Symphonie héroïque était une monstruosité. « Et cet homme, dit-il, avait raison à son point de vue ; il ne connaissait et ne comprenait que le mouvement d’allegro de Mozart, et il faisait exécuter par les élèves de son Conservatoire tous les allegros de la symphonie héroïque comme s’ils étaient

  1. Ueber Das Dirigiren, paru d’abord en brochure chez C.-F. Kahnt, à Leipzig, reproduit dans les Gesammelte Schriften und Dichtungen, tome viii, 325-399.
  2. Dionys Weber, ancien directeur du Conservatoire de Prague, chef d’orchestre réputé de son temps.