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l’orchestre

précision et de franchise ; on sentait que l’orchestre les connaissait bien et qu’il éprouvait un véritable plaisir à rejouer chaque année ces pièces qu’il affectionnait.

Seulement, quand on en vint à la neuvième symphonie, les choses n’allèrent plus aussi facilement ; toutefois, on s’était fait un point d’honneur de la jouer régulièrement chaque année, et on la jouait. – J’avais copié de ma main toute la partition et j’en avais fait un arrangement à quatre mains. À ma grande surprise, chaque fois que je l’entendis au Gewandhaus, l’exécution me laissa les impressions les plus confuses, et j’en fus découragé à ce point, que pendant quelques temps je renonçai complètement à l’étude de Beethoven, tant mon esprit avait été troublé à son égard. Ce n’est qu’en 1839, après avoir entendu cette suspecte neuvième symphonie par l’orchestre du Conservatoire de Paris que les écailles me tombèrent des yeux ; je compris alors combien importait l’interprétation, et je me rendis compte tout de suite de ce qui avait conduit à l’heureuse solution du problème. L’orchestre (de Paris) avait su mettre en relief, dans chaque mesure ; la mélodie de Beethoven que mes braves compatriotes de Leipzig avaient complètement perdue de vue, et cette’’mélodie, l’orchestre la chantait. »

Wagner, pour expliquer comment l’orchestre d’Habeneck arriva à chanter la neuvième symphonie de Beethoven ajoute un peu plus loin :

Le musicien français est en un sens très heureusement influencé par l’école italienne à laquelle il appartient en réalité ; la musique pour lui ne se comprend que par le chant. Jouer bien d’un instrument, cela veut dire pour lui : bien chanter sur cet instrument.

C’est ainsi, conclut-il, que l’orchestre d’Habeneck fut le premier qui eût dégagé le melos de la symphonie.

En résumé, aux yeux de Wagner, c’est là l’essentiel : dégager le melos.

La compréhension exacte de la mélodie peut seule donner le sens exact du mouvement ; l’un est inséparable de l’autre, la mélodie détermine le mouvement.