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l’art de diriger

On ne saurait mieux dire. Seulement nous tournons ici dans un cercle vicieux. Toute mélodie doit avoir un caractère et ce caractère ne dépend pas seulement du dessin de la mélodie et du mouvement qu’on lui donne ; un troisième élément sert à le déterminer, c’est l’accent donné à ce dessin et à ce mouvement.

L’accent est en réalité l’âme de la musique. Une mélodie peut être chantée correctement et dans le mouvement exact sans être pour cela véritablement interprétée selon l’esprit, le sens profond qu’y a mis l’auteur ; il y faut encore l’accent, c’est-à-dire l’expression juste du sentiment dont elle est le revêtement. Sans accent, la musique est un bruit monotone, qui n’a pas de sens déterminé. Cet élément est si important que, sans en modifier le mouvement, le même dessin mélodique peut changer de caractère selon la façon de l’accentuer. Il n’est pas un chanteur qui ne puisse en faire à tout moment l’expérience.

Il importe donc non seulement que le chef d’orchestre indique le mouvement juste mais encore que les exécutants accentuent bien, c’est-à-dire qu’ils disent chaque phrase, selon le sens et le caractère qui lui appartiennent dans la composition.

Bien que dans son opuscule Sur l’Art de diriger, Wagner n’appelle l’attention que sur le melos et le mouvement, il cite cependant quelques exemples frappants qui démontrent l’importance de l’accent.

Il avoue ainsi que c’est écoutant le chant passionné et sûrement accentué de Schrœder-Devrient[1] qu’il

  1. Dans une lettre à son ami Heine, de Dresde, Wagner, à propos d’un des concerts qu’il dirigea à Zurich, raconte qu’il eut affaire