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l’orchestre

Or, il importe que dès le début l’auditeur soit bien fixé sur leur caractère et leur sens. Le mot de Berlioz est frappant de justesse : le premier motif est un véritable gémissement et c’est comme tel qu’il doit être exécuté, très pianissimo au début, avec un léger crescendo sur le ré dièze, pour s’éteindre de nouveau sur le ré bécarre que le violoncelle ne donne pas, mais qui se trouve dans l’accord des instruments à vent.

M. Richter aux répétitions insista surtout sur deux points : d’abord l’exécution très piano du la initial, qui doit être soutenu et non détaché comme on le fait souvent en poussant de l’archet. Sur le fa la sonorité s’enfle doucement pour amener le rinforzando du ré dièze. Toute la phrase doit d’ailleurs être dite très lentement et d’une façon absolument liée.

Ensuite M. Richter insista pour obtenir un accent très marqué, – sans brutalité toutefois, – sur le sol dièze du hautbois, à l’entrée des instruments à vent. Ce sol dièze note initiale du deuxième motif est en même temps appogiature de l’accord de septième de sensible (fa-si-ré dièze, la) sur lequel évolue la phrase, et qui lui imprime le caractère si incisif, si cruel qui la distingue. Ce motif qui semble un sanglot doit, lui aussi, s’enfler doucement et se perdre de nouveau dans un piano extrême.

Quand ces deux nuances, le crescendo et le decrescendo, sont bien rendues, l’extraordinaire langueur qui s’exprime en ces premières mesures du prélude ne peut manquer de saisir l’auditeur, et il n’a plus de peine alors à comprendre la progression de cette plainte amoureuse qui monte inquiète et toujours plus vive, jusqu’à l’ex-