L’INOUBLIABLE
Elle est venue, un jour de tristesse ou d’ennui,
Un jour qu’elle était seule et qu’il fallait qu’on l’aime :
Très naturellement elle a passé la nuit
À se bercer au son de mon premier blasphème.
Et depuis ce jour-là, j’ai soldé les sanglots
De celle que j’aimais avec tant d’ironies,
Et mes sarcasmes d’autrefois et leurs grelots
Se sont broyés en d’effroyables agonies ;
Même le souvenir altier de mes dédains
N’a plus comme autrefois rendu mon cœur rebelle :
Pour changer en soupirs mes sourires hautains,
Elle est venue, ô la Très Haute et la Très Belle !
Elle était douce et froide aussi ;
L’âme chaste d’une oublieuse
Et la chair toujours prête, ainsi
Que la Nature insoucieuse…
Ô ma statue aux yeux si bleus
Qu’ils recelaient trop d’innocence !
Naïve et barbare puissance
Qui faisait de tes yeux mes dieux !
J’aimais le moindre de tes gestes,
Et je conserverai toujours
Les souvenirs pourtant funestes
De tes mains dans tes cheveux lourds :
Tes lourds cheveux, et la lumière
De tes mains qu’un soleil ami
Me semblait caresser parmi
Tes rires de l’heure première.
Lors, mon regard t’enveloppait
D’une admiration suprême :
Non sans reculs et sans respect,
Mon regard suivait le poème
Vibrant et fier de tes deux seins,
Et l’accord parfait de tes hanches
Qui s’achevaient en courbes blanches
Jusqu’aux ombres de leurs dessins.