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Page:L'Écho des jeunes, Novembre 1891.djvu/4

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L’ÉCHO DES JEUNES

ainsi de froissements ignorés, de mépris endurés avec une rage soumise.

La première fois qu’elle avait remarqué les désirs assidus de Victor de Ridel, elle s’était dit :

— Encore un qui n’aura pas la timbale.

Elle tenait parole. Il lui avait écrit cent fois, l’avait comblée de cadeaux délicats et flatteurs, lui avait envoyé des bouquets de fleurs rares qui coûtaient des sommes fantastiques et des diamants fabuleux dont toutes les dames de la ville parlaient à voix basse d’admiration respectueuse.

Il avait en vain attendu une invitation.

Amoureux jusqu’au paroxysme, il osa se glisser dans la loge, et attendre en victime l’entrée de celle qu’il n’avait jamais contemplée que des fauteuils d’orchestre. Presque repentant de son audace, il restait maintenant muet d’adoration devant cette beauté d’actrice qui supportait d’être détaillée et regardée de près sans rien perdre de sa splendeur.

Elle se posait, sans gestes communs, devant une petite glace et se maquillait pour le cinquième acte avec une habileté gracieuse, vue de dos par Victor qui pâlissait de honte en constatant ce dédain.

Devant lui, elle se déshabilla lentement, et daigna dire en ajustant un autre costume orné de pierreries qu’il avait payées.

— Vous savez, je ne suis pas pressée, je ne parais pas au quatre.

— Me permettez vous de vous tenir compagnie jusqu’à votre entrée en scène, hasarda Victor, qui sentait monter à son cerveau le courage factice des timides.

— Si vous voulez, fit-elle, indifférente.

— Si je le veux ! En douteriez-vous ?

— Pourquoi donc croirais-je ma compagnie agréable ?

— Parce que tout le monde vous le dit, Héléna.

— Oh ! tout le monde ? Vous n’êtes pas poli. C’est donc pour dire comme les autres…

— Non, moi, je vous aime. Vous m’entendez bien… je vous aime… et vraiment… vraiment.