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DU BRIGAND
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n’a pas toute la facilité, la richesse, la souplesse, l’éclat et l’invention des romanciers du jour. Cependant ses écrits offrent quelques beautés de coloris qui font le grand mérite de ses nouvelles. Son roman : « La Fille du Brigand », qui prend une centaine de pages du « Répertoire », n’est pas une esquisse de mœurs canadiennes… Cette nouvelle n’a de canadien que le nom de l’auteur et l’endroit où les événements se développent. Les personnages sont des Québécois qui ressemblent beaucoup aux bandits des Alpes ou aux corsaires d’Afrique. On n’est pas peu surpris d’entendre le romancier vous dire que Québec fut infesté, il y a quelques années, par une troupe de brigands qui tenaient leur repaire dans les gorges du Cap Rouge.[1] Cette petite histoire, bien rendue en certains endroits, et qui annonce certainement de la facilité et du talent pour le genre romantique, me fait un peu l’effet d’une amplification de collège. J’y lis des descriptions de beautés féminines fort surannées. Qu’on me fasse grâce des cous d’albâtre, des lèvres de corail et des joues au vif incarnat ! J’admets qu’une femme soit belle et j’aime qu’elle le soit, mais je jalouse ces beautés de marbre qui n’existent que dans l’esprit des poètes et des artistes… Pour rester bon prince avec Eugène L’Écuyer, je le remercierai, au nom de mes compatriotes, pour avoir cultivé, à une époque ingrate, le bel art de Dumas.

« Ces essais ont porté des fruits ; c’est d’abord une lecture honnête : il n’y a pas une jeune fille qui ne puisse lire la nouvelle de L’Écuyer. Je ne promets pas qu’elle y trouvera des scènes émouvantes, des situations dramatiques, encore moins ce sel piquant et cet élégant badinage qui distin-

  1. La critique est aisée ; néanmoins, les brigandages fréquents à Québec, en 1834 et 1835, par Cambray et sa bande, semblent plutôt donner une sanction à l’œuvre de L’Écuyer, écrite dans la décade qui suivit. — Note édit.