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Page:L'Écuyer - La fille du brigand, 1914.djvu/23

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LA FILLE DU BRIGAND


CHAPITRE I

UNE PREMIÈRE ENTREVUE


C’était à la fin d’une journée de septembre ; le soleil venait de disparaître derrière les montagnes et ne mêlait plus à leur sombre verdure que les derniers reflets d’une teinte de sang. De gros nuages couleur-d’encre roulaient rapidement dans l’atmosphère et commençaient à jeter sur la nature l’ombre d’une nuit d’orage et de terreur. On entendait au loin le sourd murmure des flots du Saint-Laurent, le bruit monotone de la chute de Montmorency, le sifflement du vent qui s’engouffrait violemment dans les sentiers tortueux qui avoisinent la porte Saint-Louis et se brisait avec fracas sur les vieux murs qui les bordent. Déjà l’écho des solitudes répétait par intervalle les roulements du tonnerre et l’éclair sillonnait les ombres de la tempête.

Huit heures sonnaient aux horloges du quartier Saint-Louis ; les rues de Québec étaient désertes ; un silence effrayant régnait sur la ville. Tout annonçait une de ces nuits de vol et de meurtre que les citoyens ne voyaient arriver qu’avec crainte et qu’ils passaient dans des transes horribles. Québec vivait alors dans une époque de sang : époque à jamais mémorable dans les annales du crime, à jamais ineffaçable sur les murs des prisons ; époque de dégradation, où on avait chaque jour à enregistrer un nouveau meurtre, à punir un nouveau crime !

Une seule lumière brillait encore dans une petite auberge du faubourg Saint-Louis, unique et mauvais refuge qu’avaient pu trouver trois jeunes gens surpris par l’orage qui venait de commencer avec