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Page:L'Écuyer - La fille du brigand, 1914.djvu/25

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DU BRIGAND
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trente ans, grande, robuste et assez bien faite. Elle conservait encore un reste de beauté peu commune ; mais ses traits, autrefois réguliers, avaient été bouleversés par l’eau-de-vie, ses yeux rougis par des veilles continuelles, et son large front s’était couvert de rides précoces et de cicatrices. Malgré ces désavantages extérieurs, Mme La Troupe savait plaire par ses manières polies et engageantes, par son sourire gracieux et avenant, par le ton d’élévation qu’elle savait prendre avec des gens qu’elle croyait devoir respecter et qui lui paraissait appartenir à une classe assez élevée.

Aussi, en présence de ses nouveaux hôtes, Mme La Troupe ne négligea-t-elle rien pour leur faire une réception dans les formes ; elle montra tant de grâces, tant de politesse exquise, que nos jeunes gens auraient cru avoir affaire à une dame de première qualité, s’ils n’avaient eu dans ce qui les entourait une preuve suffisante du contraire.

— Eh bien ! messieurs, leur dit-elle, en donnant un de ses sourires les plus mignons, que prenez-vous ce soir ? un verre de bière ? un verre de vin chaud ? Ce dernier, je crois, serait préférable, n’est-ce pas ? Au reste, choisissez, messieurs, j’ai du vin supérieur en bouteille, de la bière fraîche, du gin de Hollande, du brandy…

— Apportez-nous du vin, madame, dit Stéphane qui, en remarquant l’air d’affectation que Mme La Troupe prenait, ne put s’empêcher de rire en levant les épaules.

— C’est bien, monsieur, vous allez être servi dans l’instant.

Et Mme La Troupe se retira en saluant avec courtoisie.

— Quel air de dégradation, dit Stéphane en s’adressant à ses amis ; et pourtant n’est-il pas étonnant de rencontrer dans une femme qui ne vit qu’avec le rebut de la société un tel raffinement de politesse ?

— En effet cela paraît drôle, dit Émile ; mais