Aller au contenu

Page:L'Écuyer - La fille du brigand, 1914.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
DU BRIGAND
23

elle les introduisit sous le nom de M. Jacques et Mlle Jacques. M. Jacques salua froidement et s’empara du vieux sofa avec sa fille.

— Vous prenez quelque chose, maître Jacques ? dit Mme La Troupe.

— Oui, la mère, un verre de « gin » pour moi. Et toi, ma chère, que prends-tu, hein ? Apportez-lui un verre de cidre, s’il vous plaît.

Et maître Jacques tira de sa poche une vieille bourse de cuir et remit une pièce d’argent à l’hôtesse.

Stéphane et ses amis le considéraient avec attention ; tous trois ne pouvaient se lasser d’admirer les charmes de sa fille, qui, de son côté, jetait de temps en temps les yeux sur Stéphane, assis le plus près d’elle. Helmina n’avait pas encore seize ans ; elle était à cet âge bouillant de la jeunesse où les passions commencent à naître dans le cœur et à se réfléter au dehors. Helmina était un de ces types de beauté régulière, de candeur enfantine que le peintre n’a pu encore retracer avec précision, que le poète n’a pu chanter dignement.

Son visage faiblement ovale, et d’une blancheur éblouissante mêlée à l’incarnat de la rose, était encadré dans des boucles de cheveux d’un noir d’ébène qui retombaient et flottaient sur un cou d’albâtre. Ses yeux noirs, légèrement soulevés, brillaient sur son beau front, poli comme le marbre. Elle portait un chapeau de paille jaune surmonté d’une plume blanche, qui ne lui couvrait que le haut de la tête. Une robe de mérinos rouge foncé, presque collée sur elle par la pluie, dessinait merveilleusement sa taille bien proportionnée et donnait une faible idée du contour régulier de ses bras et de ses épaules. Ses mains blanches et potelées se croisaient comme d’elles-mêmes chaque fois que l’éclair brillait. Elle était assise près de son père, le regardait avec tendresse, et lui souriait avec grâce en laissant apercevoir ses dents d’ivoire et ses lèvres de corail.