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Page:L'Écuyer - La fille du brigand, 1914.djvu/28

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LA FILLE

Maître Jacques, son père, pouvait avoir quarante ans tout au plus ; il était d’une taille moyenne, mais bien conditionnée, d’une physionomie grossière et rebutante, mais d’un caractère assez doux et accessible. Il portait ce soir-là un large manteau de drap bleu qui lui descendait jusqu’aux talons, un chapeau de castor gris presque tout usé qui lui couvrait une partie du front ; des pantalons couleur de poussière, une veste à l’antique, munie d’énorme boutons de corne, et traversée en tout sens par une chaîne de cuivre doré, un fichu de soie noire qui contrastait avec une chemise très blanche ; tel était à peu près l’accoutrement de maître Jacques, accoutrement qui, ainsi que celui de sa fille, ne laissait pas d’être très propre et assez à la mode.

À en juger par l’air extérieur, maître Jacques devait être un homme respectable ; aussi Stéphane s’approcha-t-il avec confiance et commença à lier conversation avec lui tandis que sa fille alla sécher ses vêtements près d’un bon feu que l’hôtesse venait d’allumer dans un autre appartement.

— Vous avez là, M. Jacques, une charmante enfant, dit Stéphane en suivant des yeux la jeune fille.

— Vous êtes la centième personne qui me faites ce compliment, et pourtant, dit maître Jacques avec une modestie affectée, je ne vois pas qu’il soit mérité.

— Vous vous trompez, M. Jacques, votre fille est bien la plus belle personne que j’aie encore rencontrée ; mais dites-moi, si toutefois il n’y a pas trop d’indiscrétion à vous le demander, il faut qu’une affaire pressante vous ait engagé à braver un temps aussi terrible ?

— Nullement, monsieur, c’est une simple promenade. Ce matin, vous le savez, le temps était superbe, j’ai voulu satisfaire le goût de ma fille en lui faisant admirer tous les beaux sites que Québec nous offre ; cela lui servira pour aujourd’hui de leçon de dessin ; vous conviendrez qu’elle ne peut