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Page:L'Écuyer - La fille du brigand, 1914.djvu/41

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DU BRIGAND
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Helmina sortit de sa chambre en ce moment et mit fin à la conversation ; elle était pâle et abattue ; ses yeux rouges et creux dans lesquels on voyait encore rouler des larmes annonçaient qu’elle avait beaucoup pleuré. Elle essaya cependant de paraître gaie, car elle donna à Julienne un sourire forcé qui la remplit de joie.

Helmina et Julienne étaient unies et s’aimaient comme deux sœurs, et cependant leur amitié ne datait que d’un an. C’était maître Jacques qui, pour donner une compagne à sa fille, avait emmené Julienne et la nourrissait chez Maurice. Julienne avait quatorze ans. Elle était d’une beauté commune, mais d’un caractère riche et précieux. Julienne ne connaissait encore ni les peines, ni les inquiétudes ; le chagrin n’avait pas encore ridé son front, ni troublé son cœur. Toujours riante, toujours heureuse, elle ne connaissait que le jeu et le badinage, elle n’avait d’autres chagrins que ceux qu’elle partageait avec Helmina. Aussi en la voyant plongée dans la tristesse, elle n’avait pu s’empêcher de verser des larmes ; mais lorsqu’elle la vit sourire, sans penser si ce sourire tenait du désespoir ou de la gaieté, elle sentit, dans son cœur la douce espérance et la ferme persuasion qu’elle s’était trompée dans ses conjectures, que le chagrin d’Helmina ne serait que passager et momentané, comme celui qu’elle avait toujours montré chaque fois que maître Jacques l’avait quittée.

Elle s’approcha donc d’Helmina en riant et en sautant.

— Irons-nous dans les champs aujourd’hui, Helmina ? lui demanda-t-elle.

— Oui, ma bonne Julienne, dit Helmina, nous irons cette après-midi. Puis s’adressant, à Madelon, je vais me reposer un peu, lui dit-elle ; vous m’éveillerez à midi, s’il vous plaît. J’ai un mal de tête effrayant.

— Vous êtes malade ? dit Madelon ; je m’en doutais ben qu’vous aviez queuque chose.