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DU BRIGAND
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maison c’était comme une vraie apothicairerie, des bouteilles de toutes sortes, des instruments de toutes espèces, des clercs de toutes façons ; malgré tout ce brouhaha auquel personne ne comprenait, il a fallu partir ; car voyez-vous, contre la volonté du bon Dieu il n’y a rien à faire.

« Vous pouvez vous imaginer quel coup sa mort porta à sa famille et à la nôtre, et par tout le canton. Sainte Vierge, quand j’y pense encore ! Si vous aviez vu Mme  La Troupe s’arracher les cheveux, jeter les hauts cris sur le corps de son mari en le baignant de ses larmes ; si vous aviez vu la petite Élise qui appelait son père ; si vous aviez entendu tous les domestiques et les pauvres pleurer et gémir, tout le monde regretter M. La Troupe ; il y avait d’quoi fendre un rocher en deux, vrai comme j’vous l’dis. Vous devez voir par là l’estime et l’amitié que tout le monde avait pour lui, et je vous assure qu’il le méritait. Tout le monde a perdu dans la mort de M. La Troupe : les pauvres et les riches, mais surtout nous et plus encore sa pauvre, épouse et sa chère petite fille.

« Vous pensez bien que Mme  La Troupe ne pouvait pas conduire les affaires multipliées auxquelles elle se trouvait abandonnée ; et c’est ce qui a causé le plus grand de ses malheurs. Elle avait un frère qui demeurait à deux cent lieues : ne voulant pas confier sa fortune entre des mains étrangères, elle en chargea son frère et lui donna le pouvoir de tout conduire à son gré. Mais ce frère ingrat abusa des bontés de Mme  La Troupe. C’était d’ailleurs un débauché, un dépenseur, un fripon qui ne passait son temps et ne dépensait son argent qu’en libertinage et qu’au jeu. Vous pouvez penser s’il éparpilla l’argent ; aussi ça ne pouvait pas durer bien longtemps. Mme  La Troupe, qui était bonne comme la vie, se contentait de lui faire des remontrances sans penser à lui retirer le pouvoir qu’elle lui avait donné. C’est ce qui l’a perdue, la pauvre femme.

« Son frère fit des dettes à force, il fallut payer, et quand on n’eut plus d’ar-