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Page:L'Écuyer - La fille du brigand, 1914.djvu/74

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LA FILLE

— Quoi ! elle a eu l’effronterie de vous le déclarer à vous-mêmes ?

— Non pas à nous-mêmes, monsieur, mais elle l’a dit à Julienne, qui nous l’a confié ensuite.

— Voilà une folie de jeune fille qu’elle va payer cher, ou que l’enfer m’engloutisse, dit maître Jacques en frappant avec violence sur la table. Écoute, Maurice, tu sais qu’il est de mon intérêt que ma fille ne fasse aucune liaison qui pourrait nuire à nos affaires ; si malheureusement le jeune homme allait l’aimer de son côté, il n’épargnera rien pour la voir. Qui sait ? la chose ira peut-être plus loin, Helmina est jolie, il la demandera en mariage… et tu comprends le reste… Cependant, ajouta maître Jacques, il faut connaître le merle avant de le dénicher ; dis-moi, Maurice, l’as-tu assez examiné à l’auberge pour le reconnaître partout où tu le rencontreras ?

— Comment donc ? j’ai passé une bonne partie de la nuit avec lui ; nous sommes entrés ensemble chez Mme La Troupe.

— Et d’où sais-tu qu’il est vraiment l’amant de ma fille ?

— Dame ! comme ça, maître Jacques, vous allez voir vous-même : votre fille dit qu’elle a rencontré son oiseau chez Mme La Troupe, et…

— Tu as raison, Maurice, tu as raison, dit maître Jacques en se tordant les mains de rage et de désespoir ; mais au moins, ajouta-t-il, il ignore que ma fille l’aime, n’est-ce pas ?

— Oui, sans doute, qui le lui aurait dit ? J’ai parlé assez bas à Mme La Troupe pour qu’il n’ait rien entendu.

— Comment ! misérable, dit maître Jacques en se laissant tomber sur une chaise, tu l’as dit à Mme La Troupe ! Langue d’enfer ! homme bavard et indiscret qui ne peut rien garder ! Nous sommes perdus, Maurice, lui dit-il en lui lançant des regards foudroyants. Mme La Troupe lui a tout dit sans doute ; quel intérêt aurait-elle à le lui cacher ? combien au contraire n’en avait-elle pas à le lui ap-