Page:L'année sociologique, tome 9, 1904-1905.djvu/26

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français (c’est-à-dire la langue de Paris) au commencement du xxe siècle ; il y a des mots comme père, chien, lait, etc., qui continuent simplement des mots latins ; il y en a comme noyade ou pendaison qui ont été faits sur sol français avec des éléments d’origine latine, et il y en a d’autres qui sont entrés à des dates diverses : prêtre est un mot qui est entré par le groupe chrétien à l’époque impériale romaine, sous la forme presbyter ; guerre, un mot germanique, apporté par les invasions germaniques, et entré dans la langue par le groupe des conquérants qui ont été maîtres du pays, à la suite de ces invasions ; camp est un mot italien venu au xve siècle par les éléments militaires qui ont fait les campagnes d’Italie ; siècle est un mot pris dès avant le xe siècle au latin écrit par les clercs et qui avait disparu de la langue commune ; équiper est un terme de la langue des marins normands ou picards ; foot-ball est un terme de sport venu de l’anglais il y a peu d’années, mais par rapport au latin de l’époque de César, tous les mots en question sont également empruntés, car aucun n’est la continuation ininterrompue de mots latins de cette date, ni ne s’explique par des formes qui se soient perpétuées dans la langue sans interruption entre l’époque de César et le commencement du xxe siècle. Il n’importe pas que le mot soit emprunté à une langue non indo-européenne, comme il arrive pour orange, ou à une langue indo-européenne autre que le latin, comme prêtre, guerre, ou au latin écrit comme siècle, cause, ou à un dialecte roman comme camp, camarade, ou même à des parlers français plus ou moins proches du parisien, comme le mot foin, pris à des parlers ruraux, et que sa phonétique dénonce comme n’étant pas parisien ; en aucun cas il n’y a eu continuation directe et ininterrompue du mot latin depuis l’époque de César jusqu’au début du xxe siècle, et ceci suffit à définir l’emprunt pour la période considérée. On notera que la notion d’emprunt ne saurait être définie qu’à l’intérieur d’une période strictement délimitée.

Mais d’après ce qui a été exposé ci-dessus, un mot peut porter toutes les marques phonétiques et morphologiques auxquelles on reconnaît un mot non emprunté ; il peut même avoir subsisté sans interruption dans la langue, et être néanmoins au fond un mot emprunté, si, pendant un temps plus ou moins long, il n’a plus fait partie de la langue commune et s’il a été employé seulement dans des groupes sociaux particuliers. Sans parler des autres causes qui ont pu intervenir,