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XIII
PRÉFACE DE LA DERNIÈRE ÉDITION AMÉRICAINE

à la fois la race, les nations, et les individus. Chacun de nous sera atteint par les bouleversements causés par une guerre européenne. Chacun soufre déjà du désordre de la vie et des institutions, de l’affaiblissement général du sens moral, de l’insécurité économique, des charges imposées par les défectifs et les criminels. La crise vient de la structure même de la civilisation. Elle est une crise de l’homme. L’homme ne peut pas s’adapter au monde sorti de son cerveau et de ses mains. Il n’a pas d’autre alternative que de refaire ce monde d’après les lois de la vie. Il doit adapter son milieu à la nature de ses activités organiques aussi bien que mentales, et rénover ses habitudes individuelles et sociales. Sinon, la société moderne rejoindra bientôt dans le néant la Grèce et l’Empire de Rome. Et la base de cette rénovation, nous ne pouvons la trouver que dans la connaissance de notre corps et de notre âme.

Aucune civilisation durable ne sera jamais fondée sur des idéologies philosophiques et sociales. L’idéologie démocratique elle-même, à moins de se reconstruire sur une base scientifique, n’a pas plus de chance de survivre que l’idéologie marxiste. Car, ni l’un ni l’autre de ces systèmes n’embrasse l’homme dans sa réalité totale. En vérité, toutes les doctrines politiques et économiques ont jusqu’à présent négligé la science de l’homme. Cependant, nous connaissons bien la puissance de la méthode scientifique. La science a su conquérir le monde matériel. Elle nous donnera, quand nous le voudrons, la maîtrise du monde vivant et de nous-mêmes.

Le domaine de la science comprend la totalité de l’observable et du mesurable. C’est-à-dire, toutes les choses qui se trouvent dans le continuum spatio-temporal, — l’homme, aussi bien que l’océan, les nuages, les atomes, les étoiles. Comme l’homme manifeste des activités mentales, la science atteint par son intermédiaire le monde de l’esprit — ce monde qui se trouve en dehors de l’espace et du temps. L’observation et l’expérience sont les seuls moyens dont, nous disposons pour appréhender la réalité de façon certaine. Car l’observation et l’expérience engendrent des concepts qui, quoique incomplets, resteront