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NÉCESSITÉ DE NOUS CONNAÎTRE NOUS-MÊMES

naturellement à une conception différente de son objet. Chacune n’abstrait de lui que ce que la nature de sa technique lui permet d’atteindre. Et la somme de toutes ces abstractions est moins riche que le fait concret. Il reste un résidu trop important pour être négligé. Car l’anatomie, la chimie, la physiologie, la psychologie, la pédagogie, l’histoire, la sociologie, l’économie politique et toutes leurs branches, n’épuisent pas leur sujet. L’homme que connaissent les spécialistes n’est donc pas l’homme concret, l’homme réel. Il n’est qu’un schéma, composé lui-même des schémas construits par les techniques de chaque science. Il est à la fois le cadavre disséqué par les anatomistes, la conscience qu’observent les psychologistes et les maîtres de la vie spirituelle, et la personnalité que l’introspection dévoile à chacun de nous. Il est les substances chimiques qui composent les tissus et les humeurs du corps. Il est le prodigieux assemblage de cellules et de liquides nutritifs dont les physiologistes étudient les lois de l’association. Il est cet ensemble d’organes et de conscience qui s’allonge dans le temps et que les hygiénistes et les éducateurs essayent de diriger vers son développement optimum. Il est le homo œconomicus qui doit consommer sans cesse afin que puissent fonctionner les machines dont il est l’esclave. Il est aussi le poète, le héros et le saint. Il est, non seulement, l’être prodigieusement complexe que les savants analysent par leurs techniques spéciales, mais également la somme des tendances, des suppositions, des désirs de l’humanité. Les conceptions que nous avons de lui sont imprégnées de métaphysique. Elles se composent de tant et de si imprécises données que la tentation est grande de choisir, parmi elles, celles qui nous plaisent. Aussi notre idée de