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L'HOMME, CET INCONNU

l’homme varie-t-elle suivant nos sentiments et nos croyances. Un matérialiste et un spiritualiste acceptent la même définition d’un cristal de chlorure de sodium. Mais ils ne s’entendent pas sur celle de l’être humain. Un physiologiste mécaniciste et un physiologiste vitaliste ne considèrent pas l’organisme de la même façon. L’être vivant de Jacques Loeb diffère profondément de celui de Hans Driesch. Certes, l’humanité a fait un gigantesque effort pour se connaître elle-même. Bien que nous possédions le trésor des observations accumulées par les savants, les philosophes, les poètes et les mystiques, nous ne saisissons que des aspects et des fragments de l’homme. Et encore ces fragments sont-ils créés par nos méthodes. Chacun de nous n’est qu’une procession de fantômes au milieu desquels marche la réalité inconnaissable.

En fait, notre ignorance est très grande. La plupart des questions que se posent ceux qui étudient les êtres humains restent sans réponse. Des régions immenses de notre monde intérieur sont encore inconnues. Comment les molécules des substances chimiques s’agencent-elles pour former les organes complexes et transitoires des cellules ? Comment les genes contenus dans le noyau de l’œuf fécondé déterminent-ils les caractères de l’individu qui dérive de cet œuf ? Comment les cellules s’organisent-elles d’elles-mêmes en sociétés qui sont les tissus et les organes ? On dirait que, à l’exemple des fourmis et des abeilles, elles savent d’avance quel rôle elles doivent jouer dans la vie de la communauté. Mais nous ignorons les mécanismes qui lui permettent de construire un organisme à la fois complexe et simple. Quelle est la nature de la durée de l’être humain, du temps psychologique et du temps physiologique ?