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NÉCESSITÉ DE NOUS CONNAÎTRE NOUS-MÊMES

leur esprit. La médecine ne s’occupa d’abord que du problème pratique de soulager les malades par des recettes empiriques. Elle réalisa seulement à une époque récente que, pour prévenir ou pour guérir les maladies, le plus sûr moyen est de connaître le corps sain et malade, c’est-à-dire de construire les sciences que nous appelons anatomie, chimie biologique, physiologie et pathologie. Néanmoins, le mystère de notre existence, la souffrance morale, et les phénomènes métapsychiques, parurent à nos ancêtres plus importants que la douleur physique et les maladies. L’étude de la vie spirituelle et de la philosophie attira de plus grands hommes que celle de la médecine. Les lois de la mystique furent connues avant celles de la physiologie. Mais les unes et les autres ne virent le jour que lorsque l’humanité eut le loisir de détourner un peu son attention de la conquête du monde extérieur.

Il y eut une autre raison à la lenteur du progrès de la connaissance de nous-mêmes. C’est la structure même de notre intelligence qui aime la contemplation des choses simples. Nous avons une sorte de répugnance à aborder l’étude si complexe des êtres vivants et de l’homme. L’intelligence, a écrit Bergson, est caractérisée par une incompréhension naturelle de la vie[1]. Nous nous plaisons à retrouver dans le cosmos les formes géométriques qui existent dans notre conscience. L’exactitude des proportions des monuments et la précision des machines sont l’expression d’un caractère fondamental de notre esprit. C’est l’homme qui a introduit la géométrie dans le monde terrestre. Les procédés de la nature ne sont jamais aussi précis que les nôtres. Nous cherchons

  1. Bergson Henri, Évolution créatrice, p. 179.