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LA SCIENCE DE L’HOMME

êtres humains vient de ce que l’observateur et son sujet vivent au même rythme. Les effets d’un mode d’alimentation, d’une discipline intellectuelle ou morale d’un changement politique ou social sont tardifs. Ce n’est qu’au bout de trente ou quarante ans qu’on peut apprécier la valeur d’une méthode éducative. L’influence d’un facteur donné sur les activités physiologiques et mentales d’un groupe humain ne devient manifeste qu’après le passage d’une génération. Les succès attribués à leur propre invention par les auteurs de systèmes nouveaux d’alimentation, de culture physique, d’hygiène, d’éducation, de morale, d’économie sociale sont toujours publiés trop tôt. C’est aujourd’hui seulement qu’on pourrait analyser avec fruit les résultats du système Montessori, ou des procédés d’éducation de John Dewey. On devra attendre vingt-cinq ans pour savoir la signification des intelligence-tests, faits ces dernières années dans les écoles par les psychologistes. C’est en suivant un grand nombre d’individus à travers les vicissitudes de leur vie jusqu’à leur mort qu’on connaîtra, et encore de façon grossièrement approximative, l’effet exercé sur eux par certains facteurs.

La marche de l’humanité nous paraît très lente, puisque nous, les observateurs, nous faisons partie du troupeau. Chacun de nous ne peut faire à lui seul que peu d’observations. Notre vie est trop courte. Beaucoup d’expériences devraient être prolongées pendant au moins un siècle. Il faudrait créer des institutions telles que les observations et les expériences ne soient pas interrompues par la mort du savant qui les a commencées. De telles organisations sont encore inconnues dans le domaine scientifique. Mais elles existent déjà pour d’autres disciplines. Au monastère de Solesmes, trois générations successives de