vées, elle communia sans se confesser ; on l’en reprit ; elle répliqua qu’elle avait bien fait ; la chose se divulgua, plainte fut portée au Podestat, qui la fit arrêter et mettre à l’estrapade ; alors elle confessa que la cause de son crime était l’envie effrénée qu’elle avait du poireau de l’homme en question, aux yeux en dedans et si petits qu’à peine y voyait-il, au nez large et écrasé sur la figure, avec une balafre en travers et deux cicatrices du mal de Job qui ressemblaient à deux grelots de mule, déguenillé, puant, dégoûtant, tout rempli de poux et de vermine. L’honorable Podestat le lui donna pour compagnon en lui disant : « Ce sera la pénitence de ton péché, per infinita secula seculorum. » Cela lui fit autant de plaisir d’être enfermée pour toute sa vie qu’un autre en aurait à sortir de prison. On prétend qu’après avoir tâté de cette grandissime gerbe, elle s’écria : « Dressons ici nos tabernacles[1]. »
Antonia. — Est-ce que cette gerbe dont tu parles était aussi grosse que celle d’un âne ?
Nanna. — Plus grosse.
Antonia. — Plus grosse que celle d’un mulet ?
Nanna. — Encore plus.
Antonia. — D’un taureau ?
Nanna. — Encore plus.
Antonia. — D’un cheval ?
Nanna. — Trois fois plus grosse, dis-je.
Antonia. — Elle était donc alors aussi grosse que les colonnes d’un lit de parade ?
Nanna. — Juste.
Antonia. — Que t’en semble ?
Nanna. — Pendant qu’elle nageait dans l’allégresse jusqu’au cou, le Podestat fut réprimandé par la commune et force lui fut, pour satisfaire à la justice, de condamner le susdit criminel à la potence, ses dix jours de grâce lui
- ↑ Allusion à la fête des Tabernacles chez les Juifs. La pannochia signifierait le loulab, les loulabim, gerbes ou branches qu’on porte dans les synagogues ce jour-là avec les dons de la terre, en chantant la prière de Hosannah.