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Page:L'oeuvre du Divin-Aretin - Partie I.djvu/142

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L’ŒUVRE DU DIVIN ARÉTIN

meubles, ou crèvera. » Je n’avais pas besoin de ses conseils pour savoir ce qu’il me restait à faire. Je vais jeter un coup d’œil par la fenêtre de la rue, je l’aperçois et je m’écrie : « Le voilà ! » En allant au-devant de lui dans l’escalier : « Dieu sait, lui dis-je, la douleur que j’ai eue de ce que vous étiez parti sans seulement me dire adieu. Mais je suis toute consolée puisque je vous vois de retour, et dussé-je en mourir, je ferai tout ce que vous voudrez la nuit prochaine. » La bouche ouverte, il accourut me baiser en m’entendant parler de la sorte, et pendant qu’il envoyait chercher le dîner, nous fîmes une bonne petite paix bien douce, bien douce. Le soir arrivé (à mon avis, il lui semblait aussi lent à venir que ne paraît l’heure d’un rendez-vous donné à quelqu’un qui l’attend depuis dix ans), il paya le souper et, quand il fut temps, regagna avec moi le même lit que la nuit précédente. En me trouvant tout aussi amoureuse de faire ses volontés qu’un Juif l’est de prêter à un client qui n’a pas de gages, il ne put se retenir de m’envoyer une volée de coups de poing que je reçus en me disant : « Tu me les payeras cher ! » Et je le réduisis encore à se tirer du verjus, après qu’il eut fait les mêmes cérémonies que la nuit d’avant. Il se leva, courut trouver ma mère dans la chambre où elle couchait avec la patronne, et passa quatre heures à me menacer. « Mon cher Messire, lui disait-elle, n’ayez pas peur ; la prochaine nuit, je veux qu’elle périsse, ou qu’elle vous rende heureux. » Elle se leva, lui donna une ceinture de taffetas double, longue, longue, et lui dit : « Tenez, attachez-lui les mains avec ça. » Le bélître prit la ceinture et, après avoir encore fait la dépense du dîner et du souper, coucha avec moi pour la troisième fois. Du coup, il en eut une telle rage de me trouver revêche jusqu’à ne pas lui permettre de me toucher, qu’il fut pour me frapper d’un poignard ; je te confesse que j’en eus peur : force me fut de lui tourner le derrière, en le lui mettant sur le ventre. Par cette invitation, je lui redouble l’appétit qu’il avait de manger, et il se met à m’émoustiller ; moi, je reste ferme à tous ses chatouillements tant que je le sens s’égarer hors du