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Page:L'oeuvre du Divin-Aretin - Partie I.djvu/182

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L’ŒUVRE DU DIVIN ARÉTIN

mine de quelqu’un qui veut être compris sans ouvrir la bouche : « Ne pensez-vous pas vous masquer ? » « Je suis une garde-la-maison, répondis-je ; une fatigue-la-jalousie ; je laisse les masques aux belles, à celles qui ont de quoi s’habiller. » « Dimanche, reprit-il, je veux que vous sortiez en masque et que vous soyez la plus fringante. » À ces mots, je me tus d’abord, puis je lui jetai les bras autour du cou en lui disant : « Mon cœur, comment veux-tu me faire faire une belle partie de masque ? » — « À cheval, reprit-il, et costumée excellemment : j’aurai le genêt du Révérendissime. À t’en dire le fin mot, son maître d’écurie l’a promis. » — « Cela me va tout à fait », lui répondis-je, et je le remis à sept jours environ de celui où j’avais l’intention de sortir en masque. Un lundi, je le fais venir : « La première chose qu’il faudra me procurer, lui dis-je, c’est une paire de chausses et une culotte. Pour ne pas t’occasionner de dépenses, tu m’enverras ta culotte de velours, j’en enlèverai les endroits usés et je m’arrangerai de façon qu’elle puisse me servir. Les chausses, tu les feras faire pour presque rien et un de tes pourpoints, le moins bon, une fois ajusté à ma taille, m’ira parfaitement. » Là-dessus je le vois faire la grimace et mâchonner un « Je suis content ! » comme s’il se repentait déjà de m’avoir mise en humeur de m’amuser. Alors je lui dis : « Tu as l’air de tout faire à contre-cœur ; laissons cela ; je n’en veux plus de masques » ; et je me lève pour rentrer dans ma chambre ; il m’arrête et me dit : « Est-ce comme cela que vous avez confiance en moi ? » Il envoie aussitôt le valet chercher sa défroque et en même temps passer chez le tailleur, pour qu’on l’arrange à ma taille. Le jour même, il acheta l’étoffe pour les chausses ; on les coupe et on me les apporte deux jours après. Il était là, il m’aide à les mettre et s’écrie : « Elles sont peintes sur vous ! » Sous mon accoutrement masculin, je le laisse me traiter en garçon, puis je lui dis : « Mon âme, qui achète le balai peut bien aussi acheter le manche ; je voudrais une paire de mules de velours. » N’ayant pas d’argent, il s’ôte une bague du doigt et la laisse en échange du velours, qu’il livre