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Page:L'oeuvre du Divin-Aretin - Partie I.djvu/83

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LES RAGIONAMENTI

l’astuce de ma douce maman ! Sachant que ma virginité était restée en route, elle coupa le cou à l’un des chapons de la noce, remplit de sang une coquille d’œuf et tout en m’enseignant comment je devais m’y prendre pour faire des manières, en me mettant au lit m’en barbouilla la bouche par laquelle est sortie ma Pippa. À peine étais-je couchée qu’il se couche, et s’allongeant pour m’embrasser, il me trouve toute en un paquet ramassée dans la ruelle ; il veut me mettre la main sur l’et cœtera, je me laisse tomber par terre ; le voilà qui se jette au bas du lit pour me relever. « Je ne veux pas faire de vilaines choses, laissez-moi tranquille », lui dis-je, non sans des larmes dans la voix. Puis, comme je haussais le ton, j’entends ma mère qui entre dans la chambre, une lumière à la main. Elle me fit tant de caresses que je finis par m’accorder avec le bon pasteur qui, voulant m’ouvrir les cuisses, sua plus que celui qui bat le grain. Là-dessus, il me déchira la chemise et me dit mille injures ; à la fin, plus exorcisée que n’exorcise un possédé attaché au Pilier, tout en grommelant, pleurant et maudissant, j’ouvris la boîte à violon et il se jeta dessus, tout frissonnant du désir qu’il avait de ma chair. Il voulait me mettre la sonde dans la plaie, mais je lui donnai si à propos une secousse que je le désarçonnai ; lui, patient, se remit en selle sur moi et essayant de nouveau avec la sonde la poussa si bien qu’elle entra. Moi, je ne pus me retenir, en goûtant le pain beurré, de m’abandonner comme une truie qu’on gratte et je ne poussai pas un cri avant que la bête ne fût sortie de mon logis. Mais alors, oui, je criai, que les voisins accoururent se mettre aux fenêtres. Ma mère, rentrée dans la chambre, à la vue du sang de poulet qui avait taché les draps et la chemise de mon mari, fit tant qu’il consentit à ce que, pour cette nuit, j’allasse coucher avec elle. Et, le matin, tout le voisinage, réuni en conclave, célébra ma vertu ; on ne parlait pas d’autre chose dans le quartier. Les épousailles terminées, je commençai de fréquenter les églises, d’aller aux fêtes, comme font les autres, et, liant connaissance avec celle-ci, avec celle-là, je devins la confidente de l’une ou de l’autre.