Page:Léo - Jean le sot.djvu/21

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l’escalier la servante, qui descendait avec sa lampe à la main, et qui, en le voyant, fut si effrayée, qu’elle se mit à crier, et laissa tomber sa lampe, croyant fermement que c’était le diable.

Car vraiment, à le voir ainsi, tout rayé de noir de marmite et de bouillie, avec ses gros yeux effarés, qu’on eut dit méchants, il était difficile de le prendre pour un chrétien.

— Nous n’avons qu’à faire nos paquets, dit tristement Jean le Sage, et à détaler pour ne pas être mis à la porte.

Effectivement, ils partirent bientôt après, sans qu’on essayât de les retenir, et tout le long du chemin Jean le Sage, sans prononcer une parole, ruminait son malheur d’avoir pareil compagnon, se disant que, malgré toute sa prudence à lui et ses bonnes façons, jamais il ne pourrait mener à bien, sa banque tant que son frère serait avec lui.

Pour Jean le Sot, il n’avait pas compris encore pourquoi ils partaient si vite. Il avait offert de tout prendre sur lui, généreusement, bien que, dit-il, ce ne fut pas de sa faute ; et il s’étonnait que, pour une marmite cassée, un mariage fut rompu.

De ce moment, Jean le Sage n’est qu’une idée : celle de se débarrasser de son frère. honnêtement. — Il finit par trouver un moyen qui lui sembla bon.

À l’autre bout du village, vivait une femme entre deux ages, restée veuve avec un enfant, et qui ne possédait, outre sa maisonnette et un fort petit jardin, que ses doigts et sa quenouille. C’était bien peut le pain s’achetait à grand peine, et s’ils n’eussent été glaner au temps des moissons, et ramasser ainsi quelques gerbes, la faim se serait fait senti : l’hiver sous ce pauvre toit. L’enfant, un peu malingre, avait peine à s’élever, et de bons soins lui eussent été nécessaires. Cette femme était propre, honnête, point méchante ; elle avait de l’ordre, de l’économie, du bon sens, et l’on savait qu’elle se remarierait volontiers pour s’aider du travail d’un homme, celui des femmes étant partout si mal payé qu’elles n’y peuvent gagner leur pauvre vie, même en s’y acharnant de l’aube à la nuit.

Jean le Sage pensa que, si cette femme