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Le prévenu. — Mon Dieu ! Monsieur le juge…

Le juge, sévèrement. — Répondez sans mêler le nom de Dieu à vos paroles.

Le prévenu. — Monsieur le juge, la femme en question était dans les douleurs de l’enfantement et ne pouvait venir à bout de s’accoucher. Alors, j’ai pris un couteau…

Le juge. — Imposteur ! et vous croyez que j’ajoute la moindre foi à ce que vous me dites ?

Le prévenu. — Mais c’est la vérité, pourtant. Cette femme risquait de mourir ; elle avait en elle un enfant auquel mon devoir était de donner à tout prix le baptême…

Le juge, n’y comprenant rien. — Ah çà ! que me racontez-vous là ? Qu’est-ce que le baptême peut venir faire dans votre crime ?

Le prévenu. — Comment ! est-ce que je pouvais laisser cet enfant dans un état qui l’eût conduit en enfer ? J’ai éventré la mère pour baptiser l’enfant.

Le juge, indigné. — Pour baptiser l’enfant ?… Vous osez inventer un pareil prétexte ?… Mais vous êtes donc aussi cynique que criminel ?

Le prévenu. — Monsieur le juge, cependant, le devoir de mon ministère…

Le juge, interloqué. — Quel ministère ?

Le prévenu. Mon ministère de prêtre.

Le juge, tombant de son haut. — Vous êtes prêtre ?

Le prévenu. — Certainement, puisque je suis le curé de la paroisse ; or, la religion nous ordonne de sauver, autant que nous pouvons, les âmes, même celle des enfants, des flammes de l’enfer.

Le juge. — Je n’en reviens pas… Monsieur le curé, je vous présente mes plus humbles excuses… J’ai la vue extraordinairement basse, et je n’ai pu distinguer ni votre tonsure ni votre soutane… Sans cela, croyez bien que…

Le curé. — Monsieur le juge, je ne vous en veux pas.

Le juge. — Merci, mille fois merci… Greffier,