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fastidieux ou de subir l’exhibition d’une mascarade contraire à ses sentiments intimes.

— Eh bien ! non, repartit le soldat, il y a quelque chose de plus révoltant que cela. Vous, civils, vous avez encore cette ressource ennuyeuse de vous renfermer chez vous pour ne pas assister en spectateurs à une comédie qui vous répugne. Mais nous, militaires, sans consulter notre conscience, on nous oblige à figurer comme acteurs dans ces farces d’un cagotisme éhonté. Je ne connais pas, Monsieur, de corvée plus assommante que celle de la procession, et j’éprouve moins d’ennui à aller vider Jules qu’à accompagner le Saint-Sacrement. Non, ma foi, on ne se rend pas compte de cela. Pendant trois et quelquefois quatre heures, il nous faut marcher au pas, l’arme au bras comme au peloton de punition, lentement avec la fumée des cierges dans le nez. Puis, de temps en temps, on s’arrête. « Genou terre » ! commande un lieutenant de service. Et, que vous soyez juif ou protestant, mahométan ou libre-penseur, il vous faut vous agenouiller dans la boue ou la poussière et courber la tête humblement devant une divinité que vous ne reconnaissez pas. Sans cela, gare aux peines terribles que porte le code militaire contre les soldats indisciplinés. Ah ! Monsieur, combien souffre l’humble pioupiou auquel personne ne songe et qui a cependant comme les autres un cerveau pour penser ! Tenez, c’est ignoble ! on ne devrait pas forcer les pauvres soldats à se faire à contre-cœur les complices des processions.

Je serrai silencieusement la main du soldat, et je l’entendis murmurer en s’éloignant.

— Et dire que l’on nous assure que nous sommes en République !