Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
139
LA VIE DE JÉSUS

On le comprend, l’enthousiasme des Israélites devait être grand envers cette piscine où il suffisait qu’un ange vînt agiter l’eau pour que des guérisons miraculeuses fussent instantanément produites. Le tout était d’arriver premier comme plongeur.

Mais si les malades, ainsi guéris, bénissaient le ciel qui leur ôtait gentiment leurs infirmités, il y avait, par contre, des invalides qui n’avaient pas la même chance.

De ce nombre était un paralytique. Ce malheureux se faisait porter depuis trente-huit ans à la piscine de Béthesda. Or, comme il n’était pas ingambe, c’était toujours un autre qui sautait dans l’eau avant lui.

On se rend facilement compte du désespoir de l’infortuné.

Mais ce qui est plus difficile à comprendre, c’est que ce bonhomme, qui, pendant trente-huit ans, avait constamment trouvé quelqu’un pour le trimbaler de son domicile à l’établissement de la porte des Brebis, n’ait pu décider un de ces porteurs à le culbuter dans le bassin au moment du bouillonnement de l’eau.

Passons là-dessus.

Jésus vint rendre visite à la piscine, précisément un jour où notre paralytique s’y lamentait.

Le Verbe était accompagné par une multitude de curieux. Les gens de la ville, en entrant dans l’établissement, ne purent s’empêcher de rire à l’aspect de l’infirme, qui était, cela se devine, la fable du quartier.

— Qu’y a-t-il donc de comique ici ? demanda Jésus.

Ce fut à qui s’empresserait de lui montrer le paralytique et de raconter son histoire.

Et chacun d’en faire des gorges chaudes ; ce qui vexait considérablement l’invalide et changeait son découragement habituel en colère bleue.

Jamais occasion si belle ne s’était présentée à Jésus, de prouver aux gens de Jérusalem qu’un pigeon divin était son papa authentique.

Il s’avança vers le malade, qui ne pouvait remuer seulement le bout de son petit doigt, tant ses membres étaient inertes, et il lui dit :

— Voulez-vous être guéri ?

— Cette question ! grommela le paralytique ; il y a trente-huit ans que je viens ici pour ça !

— Et cela n’a pas trop l’air de vous réussir, mon brave, à ce que je vois ?

— Corbleu ! je ne puis pas mettre un pied devant l’autre. Comment voulez-vous que je me guérisse ? Chaque fois que l’eau est troublée par la main de l’ange, ce sont les autres qui piquent leur tête dans le réservoir.

— Mais personne ne vous aide donc ?

— Ah ! bien oui ! Ils sont là un tas d’idiots à trouver très