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LA VIE DE JÉSUS

drôle que je sois toujours devancé par quelqu’un. Pas de danger qu’un seul d’entre eux ait la charitable pensée de m’envoyer, d’une bonne poussée, rouler au milieu du bassin. Et cependant je n’en voudrais pas à celui qui me ferait à cette agréable farce ; bien au contraire.

— En effet, je vois que vous êtes bien à plaindre.

— On le serait à moins… Mais, que diable ! venez-vous vous apitoyer sur mon sort ?… Ne serait-ce point aussi pour vous moquer de moi ?… Si vous vous intéressez sérieusement à mon infortune, installez-vous à mes côtés, et, au premier bouillonnement, v’lan ! fichez-moi dans l’eau !…

Jésus haussa les épaules. Puis, après une courte pause :

— Levez-vous, dit-il au paralytique, prenez votre grabat, et marchez !

Le malade pensa bien, cette fois, que le fils du pigeon plaisantait. Il allait se fâcher, quand, soudain, il sentit le sang circuler vivement dans ses veines.

— Cristi ! murmura-t-il, mais voilà mon doigt qui remue !…

En effet, il remua son doigt sans aucun effort.

— Tiens, ma jambe qui gigote !…

Et il fit gigoter sa jambe droite, puis sa jambe gauche.

— Oh ! là là ! mes bras, maintenant, qui se mettent de la partie !…

Et il sautait comme un chat à qui l’on tire la queue.

Les assistants étaient émerveillés. Les garçons de bain n’en revenaient pas. Les sept apôtres se dandinaient et prenaient des poses orgueilleuses, comme s’ils avaient été pour quelque chose dans le miracle.

Lui, Jésus, tournait ses pouces et contemplait ce spectacle avec satisfaction.

— Grand merci ! s’écria le paralytique, en pirouettant de la façon la plus joyeuse du monde ; vous êtes bien le plus fort guérisseur que je connaisse !

Sur ce, il roula la natte qui lui servait de lit, la mit sous son bras, écarta la foule, remercia encore une fois le Verbe et se précipita dans la rue.

Il mettait à peine le pied hors de l’établissement, qu’il fut hélé par deux agents de police :

— Eh ! eh ! vous là-bas, criaient les deux fonctionnaires, où courez-vous comme cela ?

L’ex-paralytique s’arrêta.

— Dame ! répondit-il, je m’empresse d’aller montrer à ma famille que je me porte bien.

— Halte-là ! mon bonhomme… Ne cherchez pas à nous en conter… Vous vous portez bien, dites-vous ?… Fichtre ! nous le voyons… Mais ignorez-vous que c’est aujourd’hui samedi et que le jour du sabbat il est formellement interdit de se livrer à aucune espèce de travail ?

Le miraculé était interloqué.