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LA VIE DE JÉSUS

— Tiens ! fit-il, depuis quand se bien porter constitue-t-il un travail ?

— Assez causé là-dessus, camarade… Il ne s’agit pas de votre santé… Il s’agit de la natte que vous portez sous votre bras…

— Eh bien ?

— Nom de dieu ! vous êtes donc bouché ?… Les règlements de Moïse, sachez-le alors, interdisent tout déménagement quelconque le jour du sabbat.

En effet, la loi israélite ordonnait le repos le plus complet le samedi.

Pas moyen de dire non ; le miraculé était pincé en flagrant délit de manquement aux prescriptions mosaïques.

Quand il vit que les deux agents allaient bel et bien lui dresser un procès-verbal, il prit le parti de leur narrer en partie son aventure.

D’abord, les deux fonctionnaires refusèrent de le croire ; car il leur paraissait impossible que le paralytique eût été guéri sans avoir pris le moindre bain dans la piscine au moment du bouillonnement de l’eau.

Ils inclinaient donc fortement à conduire au poste le déménageur de grabat. Heureusement pour celui-ci, la foule l’avait rejoint et les groupes s’étaient formés autour des agents. Vingt témoins offrirent de déposer que le miraculé disait vrai.

Néanmoins, les policiers, qui étaient têtus et qui appartenaient à la secte des pharisiens, tenaient à toute force à dresser leur procès-verbal. Les pharisiens, on ne l’a pas oublié, étaient avec exagération observateurs de la lettre de la loi mosaïque.

Voulant trouver quand même un coupable, ils firent à l’ex-paralytique ce beau raisonnement :

— Vous étiez malade, nous consentons à le croire, et vous avez été guéri ; il y a donc quelqu’un qui a violé les ordonnances et qui a travaillé aujourd’hui samedi : c’est celui à qui vous devez votre guérison.

— Mais ce n’est pas un médecin, il n’a pas travaillé ; il s’est contenté de me dire de me lever et de marcher ; un miracle n’est pas un travail…

— Il suffit. Le droit d’interpréter les règlements ne vous appartient pas. Votre guérisseur est en contravention.

— Cependant…

— Taisez-vous, et répondez !… Comment le nommez-vous ?

— Est-ce que je sais ?… Je ne le connais pas… C’est la première fois que je l’ai vu aujourd’hui… C’est un grand châtain-clair, qui a de longs cheveux gras ; mais, quant à son nom, je l’ignore.

On ne put lui faire rien expliquer de plus. Le miraculé, en effet, ne connaissait pas le Christ, et les badauds qui se trouvaient là ne le connaissaient pas davantage.

Les agents de police relâchèrent l’ex-paralytique, en mau-