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LA VIE DE JÉSUS

constamment[1] ; les réclamations des Samaritains furent admises par Vitellius, qui envoya un commissaire de son gouvernement nommé Marullus, faire une enquête à Jérusalem, et Pilate, qui n’était nullement le gouverneur omnipotent imaginé par l’Évangile, dut comparaître devant le fondé de pouvoirs de son chef Vitellius, le seul gouverneur en cette contrée ; le rapport de Marullus fut défavorable à Pilate ; d’où il résulta que le procurateur de Judée fut obligé de se rendre à Rome pour se justifier auprès de Tibère. Avant qu’il fût arrivé en Italie (an 37), Tibère était mort, et c’est à Caligula que Pilate rendit ses comptes ; destitué par l’empereur, il ne retourna pas à Jérusalem, où il fut remplacé par Marullus. Si le grand procès Jésus-Christ a vraiment existé, comment n’en trouve-t-on pas la moindre trace chez les historiens, qui, ayant à parler de Pilate, relatent cette petite affaire de l’aqueduc et ces deux émeutes, qui n’eurent pourtant aucune suite, qui n’entraînèrent la fondation d’aucune secte ?

Quant à l’Hérode de la passion, il figure dans la légende chrétienne par suite d’une bourde qu’un auteur inspiré par un dieu de science et de vérité n’aurait pas pu commettre. Et d’abord, trois évangélistes sur quatre ignorent, d’une façon absolue, cet incident (pourtant d’une importance énorme dans le procès) du double renvoi de l’accusé, Pilate l’adressant à la juridiction d’Hérode, et celui-ci le faisant vêtir de la robe blanche, costume des aliénés, et le retournant comme fou à Pilate : Luc est seul à connaître cet incident capital (chap. XXIII, v. 6-12) ; Matthieu, Marc et Jean non seulement n’en soufflent mot, mais encore disent expressément que Pilate, après avoir interrogé Jésus, l’avoir mis en parallèle avec Barabbas, l’avoir fait fouetter et couronner dérisoirement, l’abandonna aux Juifs pour être crucifié sous leur responsabilité. Cette promenade de Pilate à Hérode est donc une invention personnelle de l’imposteur qui a signé Luc.

Or, ce Luc est pris la main dans le sac, justement pour avoir imaginé Hérode dans son palais, au milieu de ses gardes, à Jérusalem. En effet, Hérode-le-Grand, qui fut roi de Judée, l’Hérode à qui l’Évangile attribue le fameux massacre de vingt mille bébés du sexe masculin à Bethléem, pour être sûr d’occire dans le tas le Messie nouveau-né, l’Hérode qui historiquement est mort quatre ans avant la date assignée à la naissance du Christ, ce cruel Hérode donc eut pour successeur ses trois fils

  1. Ce n’est qu’une minime erreur de détail, diront les partisans de l’Évangile. Non certes, répondrons-nous ; des erreurs de ce genre ne peuvent pas être commises dans des documents authentiques, surtout quand on nous affirme que les évangélistes, loin d’être des ignorants, susceptibles de confondre un procurateur avec un gouverneur, ont reçu, par les langues de feu de la Pentecôte, la science la plus complète. Supposons qu’un de nos contemporains publie une brochure anecdotique sur la défense de Belfort pendant la guerre franco-allemande de 1870-71, qu’il s’y présente comme ayant été au nombre des assiégés, qu’il y raconte des faits jusqu’alors ignorés du public, et que, chaque fois qu’il ait à parler du colonel Denfert-Rochereau, commandant de la place, il le nomme : le général Denfert-Rochereau. Cette erreur grossière sur le grade du chef militaire de Belfort ne suffirait-elle pas à prouver que le document est apocryphe, que l’auteur de la brochure n’est qu’un effronté blagueur ?