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LES TROIS COCUS

raître le flacon de vraie groseille, et, quand ses deux pénitentes revinrent, il tenait à la main le flacon de soporifique, potion d’un beau rouge et liquoreuse.

Il versa dans chaque lasse une bonne dose.

Après quoi, il eut l’aplomb de trinquer.

— À l’amitié ! dit-il, et surtout à la guérison complète de mademoiselle Scholastique !

Les deux vieilles filles répondirent par un toast à leur aumônier et burent.

Il paraît que la potion était artistement préparée ; car elles affirmèrent que le thé à la polonaise était une délicieuse invention.

On causa encore quelques minutes avant de s’en aller coucher. On s’entretint au sujet de la ferveur que l’on avait remarquée chez les pèlerins et les pèlerines ; on parla de la beauté pittoresque des Pyrénées et de la limpidité de la source miraculeuse.

Ensuite, comme Irlande et Scholastique déclarèrent éprouver le besoin de dormir, elles se retirèrent, et la séance fut levée. On se dit au revoir pour le lendemain matin.

Une demi-heure après, Groussofski ouvrait sans bruit la porte de communication qui séparait sa chambre de celle de Scholastique. Il écouta. Celle-ci donnait d’un profond sommeil.

Il franchit l’autre porte, entra dans la troisième chambre ; Irlande ronflait comme un orgue en plein Magnificat.

Alors, comme chacune des deux demoiselles avait fermé à double tour sa porte donnant sut le corridor, il fit jouer la clef dans la serrure de façon qu’on pût entrer sans difficulté, et il se retira chez lui, fermant sur’son passage les communications d’une chambre à l’autre.

Tandis que l’abbé-pompier avait ainsi manœuvré, Huluberlu et son vicaire s’étaient livrés, chacun à part soi, à de curieuses réflexions.

Nous ne donnerons ici que le monologue de Romuald, celui du curé de Saint-Germain étant identiquement le même.

— L’aventure est mystérieuse, et, dans quelques instants, je veux la tenter… Certainement nos jolies maçonnes sont charmantes ; mais elles n’ont pas l’attrait du fruit défendu… Et quoi de plus stimulant encore que l’inconnu ?… Allons, préparons-nous à jouer notre rôle : la religion ne pourra qu’en tirer bénéfice.

Il se mit en chemise ; puis, sur sa chemise, il mit sa ceinture de soutane et son rabat. Il se regarda dans une glace.