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ALPHONSE DAUDET

pensante à la plus haute tension possible. Des plus petites, des plus ordinaires circonstances il tirait un parti surprenant. Ceci nous explique comment, malgré ses transes et ses douleurs, malgré les attaques d’une implacable maladie, il conserva jusqu’au bout cette clairvoyance et cette fraîcheur d’impressions qui émerveillèrent quiconque l’approcha.

Il est certain que la connaissance, l’observation poussées à ce degré sont deux grandes sources de bonheur. La cause profonde en est que la personnalité se complète et s’enhardit. On se sent d’autant plus soi qu’on aborde un plus grand nombre des problèmes, qu’on leur trouve plus de ces solutions que les mathématiciens appellent élégantes. L’élégance fut, en cette acception, une des qualités d’Alphonse Daudet. L’hygiène morale le préoccupait. Blessé dans son corps et condamné à une existence réduite, il put appliquer tous ses soins aux parties nobles de son esprit.

Je le complimentais un jour d’avoir dressé son imagination : « Certes, répondit-il, je lui ai toujours imposé comme limites la vérité et la vraisemblance. Je connais son domaine fumeux, ces contrées où la fantaisie emporte les plus grands poètes. Mais un romancier ne doit point se per-