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LE MARCHAND DE BONHEUR

une exagération de la justice, un besoin mal compris de revanche sociale. »

Au moment de la catastrophe du Bazar de la Charité il eut à constater d’illustres exemples de cette injustice à rebours. Beaucoup « d’amis du peuple » affectaient de ne pas plaindre des « brûlées » à « dix millions pièce » comme je l’entendis sauvagement avouer. Mon père s’irritait : « Cabotinage ! Opinions électorales, bonnes pour les comptoirs de Chands-de-vin ! Ceux qui ont eu pitié et courage, dans l’horreur des cris et des flammes, furent à la fois des humbles et des braves. Le peuple vaut mieux que ses représentants ».

Parmi nos récents tartufes, le démagogue, le faux jacobin était l’objet de son mépris. Il l’avait vu de près, le cabotin électoral, une main tremblante et sur son cœur, l’autre dans la poche d’autrui. Il en gardait un souvenir ineffaçable et l’on trouvera, dans Soutien de Famille, un de ces portraits en pied, magistral, comme il savait les faire.

À un tel ennemi des « attitudes » quelle nausée donnait la vie politique ! Heurté perpétuellement par le spectacle des parlementaires, son sens de la justice se transformait en colère. Ce qui l’exaspérait plus que tout, l’étalage de grands mots : « Ces gaillards-là se figurent que les sentiments élevés