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NORD ET MIDI

sibilité religieuse… Et pourtant, il vénérait Montaigne plus encore que Pascal ; pourtant, lorsqu’on le poussait sur ces problèmes, il avait des répliques d’un septicisme aigu ou de longs silences de doute.

En résumé, je crois que cette empreinte de la race, si forte en lui, avait marqué les formes morales de la foi catholique ; je pense qu’il eût souhaité cette foi, que l’athéisme et le matérialisme absolu lui étaient odieux, mais que son amour puissant et doux de la vie pour la vie, de la justice sans récompense et de la pitié qui s’ignore lui remplaçaient les conceptions étroites d’un monde ultérieur et mieux organisé.

Le plus souvent, et lorsqu’on était plus de deux, il évitait ce genre de causerie « où chacun n’apporte que des paroles vagues et déjà cent fois entendues ».

Il s’étonnait même, je me le rappelle, que les plus grands sujets de l’humanité soient précisément ceux sur lesquels on accumule le plus de sottises et de poncifs, comme si, à un certain niveau, l’esprit s’engourdissait, perdait la vue nette et les images fécondes.

Un après-midi d’été, comme nous nous promenions, il me dit : « C’est une alternative douloureuse quand la nature nous apparaît méchante et homicide, mais c’en est une plus sinistre encore que