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ALPHONSE DAUDET

à toute familiarité, semblaient changer de caractère, et se livraient à l’écrivain, joyeux de déposer leur attitude. Un certain soir, dans un dîner, une dame âgée qu’il voyait pour la première fois et qui ne buvait que de l’eau, femme enviée, dans une situation brillante, lui confia la réelle détresse de sa vie, avec une candeur, une simplicité, une naïveté qui le stupéfièrent. Pourtant, de tels aveux n’étaient point rares. Il est et demeurera mystérieux l’attrait qu’ont certains êtres, qui pousse à se livrer à eux, à les consulter, à les prendre pour guides, en dépit des distances et fictions sociales. Le désir de se dénuder l’âme, de rejeter la robe de cérémonie et de défubler la perruque est plus fréquent qu’on ne le pense : « Il y a, disait-il, un vif de la vie où deux personnes, qui s’ignoraient la minute d’avant, se jettent tout à coup avec une impudeur étrange, cette soif du vrai qui tourmente les scrupuleux et les croyants. »

Il appréciait, dans la bonne chère, les plats très simples et parfaitement réussis. Car la haine de l’artificiel s’étend aux modes les plus divers de la sensibilité. Les grosses viandes, noires ou rouges, le rebutaient. En parfait Provençal, il aimait les olives, les figues, la cuisine ratatinée et les salades,