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L’EXEMPLE FAMILIER

toutes les salades. Nous sommes à un buffet de l’Hérault : « Ce morceau de viande froide est libre, Madame ? — Parfaitement, Monsieur. Vous l’emportez ? — Certes, je l’enlève. — Et les poivrons avec ? — Bien sûr. » Dans nos souvenirs gastronomiques, cette tranche de veau demeura célèbre. Il l’assaisonna de maintes considérations sur la cuisine méridionale, faite pour des estomacs inquiets et brûlés : « Pour bien manger dans le pays, il faut manger avec un berger ou un pêcheur. La saquette de Bonnet, tu peux m’en croire, renfermait des gourmandises merveilleuses. Le repas est comme tout le reste. Il ne vaut qu’en pleine nature. Il prend son mérite alors, le vin doré de nos coteaux. Il a sa valeur le gibier, paré de feuilles de vigne, qui tourne dans la flambée des sarments de l’auberge. » — « Ce plat est tout un paysage ! » Tel était son grand compliment. Il préférait le bourgogne au bordeaux : « Mon goût canaille, c’est le petit « ginglet » de terroir, quel qu’il soit, pourvu qu’il râpe la langue et accompagne une tranche de fromage un peu fait, une « horreur », comme s’écrient les dames, lorsqu’on l’apporte odorant et terrible ! »

À Paris, la journée de mon père se partageait entre le travail, les visites d’amis, quelques promenades.