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ALPHONSE DAUDET

Dès huit heures installé devant sa table, il commence par dicter sa copieuse correspondance à son seul secrétaire, le même depuis trente ans. C’est, comme il l’a maintes fois raconté, en 1870, un matin aux avant-postes, qu’Alphonse Daudet fit la connaissance de Jules Ebner, qui, devant la neige et l’ennemi, lisait tranquillement une ode d’Horace. Depuis lors les deux hommes ne se sont plus quittés, que par la mort de l’an d’eux, du « patron », pour qui l’autre avait une admiration et un dévouement dont je n’ai point vu un second exemple. Depuis trente ans, sans manquer un seul jour, en dépit d’une besogne souvent tardive de secrétaire de la rédaction dans un grand journal, Ebner est là, devant mon père, la plume à la main. Il faut répondre aux confrères, aux éditeurs, aux traducteurs, aux quémandeurs, faire le tri du bon, de l’inutile, du pitoyable, de l’escroquerie… Quelqu’un sonne… On doit s’interrompre… L’accueil de mon père est toujours affable ; sa bonne grâce n’est point un masque, car elle varie, suivant le visiteur, de la tendresse la plus vive à la simple cordialité.

Souvent c’est un camarade qui, passant par le quartier, est venu se réchauffer près du maître, demander un avis, un conseil. Il est aux jeunes si indulgent ! Un des derniers débuts auxquels il s’intéressa fut celui de Georges Hugo, qu’il ché-