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DE L’IMAGINATION

vrai. Et ces deux mots-là se retrouvent dans cette vertu : la sincérité. Remarque que ma formule est large. Un lyrique sincère est dans le vrai, lorsqu’il s’adonne au lyrisme, et, bien que déformant la réalité selon la loi et la construction de son cerveau, il demeure vrai quant à sa conscience. Il ne cherche point le faux sciemment. Un mystique sincère est dans le vrai quand il construit ses architectures de nuées et de vapeurs selon sa conscience et les déformations que celle-ci apporte au réel.

En d’autres termes, la réalité est soumise aux métamorphoses de l’imagination, mais sans elle, sans cette nourriture, l’imagination broierait à vide, s’affaisserait sur elle-même et deviendrait imbécillité ou folie. Et quels que soient la forme et le degré de l’imagination, son propriétaire est sincère vis-à-vis d’elle lorsqu’il expose ses produits tels qu’ils sortent de sa fabrique.

Il n’y a point de formes d’art. Il n’y a que des tempéraments. Or, ces tempéraments sont si nombreux et si variés qu’ils n’épuisent jamais le réel. Un esprit original, en arrivant au monde, peut projeter de reconstruire ce monde. Si longtemps qu’il dure, il n’utilisera point les innombrables ressources que la vie et les déchets de la vie présentent sans cesse à l’imagination.

Innombrables ressources ! J’ai beaucoup vécu.