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DE L’IMAGINATION

alors de calembours purs et simples. Cela lui arrive surtout lorsqu’il s’attaque aux idées ou à ces semblants d’idées dont s’enorgueillissent les lyriques, telle que : la brièveté de l’existence, la probabilité d’une justice supérieure, la difficulté à se guérir de l’amour, la cruauté du remords, la joie de la liberté, etc. Dans ces lieux communs, le moulin de Hugo broie à vide. Il déplace toujours la même force d’air, que son sujet soit beau ou qu’il soit banal, de sorte que ses chutes sont colossales.

Mon père. — Il est assez curieux de comparer l’imagination de Hugo à celle de Chateaubriand. Chez celui-ci se trouvent réunies à la fois la sensibilité au verbe et la sensibilité à la période. Il excelle surtout dans la promptitude et la fulgurance de ses assemblages descriptifs : une épithète heureuse et neuve, un beau substantif, abstrait et mat, ou d’un éclat sourd. Aussi Chateaubriand nous ensorcelle. Cette méthode est si caractéristique que deux lignes de lui sont immédiatement reconnaissables.

Il semble que la phrase de Chateaubriand ait conservé le rythme et le mouvement marins. Ses élans accourent du fond de l’horizon, avec écume et tumulte. Leur retrait est large, aisé, majestueux. Un autre exemple de sensibilité à la période, Gustave Flaubert, est seul à avoir, au