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DE L’IMAGINATION

tain point, parallèles. Cet Imaginatif est un grand passionné. Nous nous en doutions bien un peu, mais les recherches de Frédéric Masson ont fait la lumière définitive.

Eh bien, dans un pareil cerveau, tous les projets les plus insensés, les plus grandioses, les plus démesurés, passèrent en traits de flammes. Je ne crois nullement qu’il ait borné ses désirs à ce qu’il crut pouvoir réaliser. Désir et images marchaient loin devant lui et sa volonté les suivait à distance, enragée contre elle-même et les autres lorqu’elle ne réussissait pas, et calculant les chances de succès avec une énergie, une audace méticuleuses, une continuité dans l’application, qui n’ont pas leurs pareilles au monde. Lorsqu’il remportait un triomphe, lorsqu’il satisfaisait son ambition sur un point, triomphe et ambition étaient depuis longtemps escomptés, et, nous en avons le témoignage certain, ne lui causaient plus de joie. Hélas, c’est le défaut de l’imagination en acte, qu’elle mange le blé en herbe et que le résultat semble toujours piteusement inférieur au désir.

J’ai eu un ami qui, perpétuellement heureux dans ce qu’il tentait, était aussi perpétuellement morose. Il adorait les voyages. Quand il devait en entreprendre un, il en parlait sans cesse et longtemps à l’avance. Il s’entourait de guides, de