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DE L’IMAGINATION

autres. Ils se flairent. Ils se devinent. Ils se comprennent à demi-mot. Ils sont tout prêts à s’entr’aider.

Nous avons jusqu’à présent considéré, comme porteurs de la faculté qui délivre, des artistes, des philosophes, des hommes d’action, en un mot, des grands hommes, des représentants de l’imagination haute. Notre dénombrement ne serait pas complet si nous ne tenions compte des types de l’imagination basse.

Ceux-ci sont innombrables. Nous les frôlons tous les jours. J’ai cru devoir, dans mon œuvre, leur faire une place importante. Ibsen, dans un de ses drames, le Canard sauvage, s’est aussi intéressé à eux. On en trouve quelques-uns dans les romans de Dickens, et les nouvelles de Tourguénieff. Et j’en oublie certainement.

Beaucoup, que la vie emprisonne, ne perdent point pour cela leurs illusions. Ils marchent dans leur misère ainsi que des hallucinés, ne voyant rien, ne sentant rien, attendant toujours l’héritage, la chance extraordinaire, le bon monsieur qui passe et qui adopte, la dame qui dit à son cocher : « Arrêtez », et au piéton : « Montez, cette voiture est à vous. » Espoirs admirables qui aident à tolérer tous les maux ! Ceux qui portent, dans leurs faibles cerveaux, cette vertu transformatrice n’ont besoin ni d’alcool, ni d’opium, ni d’aucun