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DE L’IMAGINATION

respect, mais il me semble que son Discours passe un peu à l’état de dogme. Descartes connaissait bien les sciences mathématiques et tout son ouvrage repose sur elles. Aujourd’hui que les sciences biologiques tiennent le haut du pavé, il semble que la Méthode elle-même ait subi certaines modifications.

C’est à dessein que j’ai, jusqu’à maintenant, retenu notre causerie dans des limites vivantes. Je sais trop que l’on divague lorsqu’on s’écarte de l’humanité. Les facultés ou les passions, considérées en dehors de ceux qui les portent ou les subissent, m’apparaissent comme des entités fausses : « La paille des mots pour le grain des choses. » Ce reproche est d’un métaphysicien, Leibniz, je crois.

Aussi le rôle du romancier, dans le temps moderne, doit-il être à la fois historique et philosophique ; — historique, puisque, vivant dans une époque, il s’imprègne de ses tournures d’esprit, de ses caractères, et en laisse un tableau qui émeut ; philosophique, puisqu’il prend les passions dans leur gangue, dans le tissu humain où elles gîtent, et du particulier cherche à les hausser au général.

Moi. — Puisque nous en sommes aux passionnés, ne crois-tu pas qu’ils apportent des modifications importantes aux phénomènes d’ima-