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DE L’IMAGINATION

des causes préétablies, si la volonté n’est plus rien ?

Mon Père. — Ce point de vue moral est important et il est certain que les idées ont en elles une vertu active, même si elles paraissent abstraites et détachées de toute conséquence humaine. Le monde moral, qui est à l’intérieur du monde social, comme l’eau dans un aquarium, en perpétuelle mobilité, ce monde est impressionnable à tout ce qui vient du dehors. Une doctrine le bouleverse que nous croyions sans danger. Une mauvaise loi agit de même. Les hommes sont tellement solidaires que tout se tient dans ce qui sort d’eux.

Je n’ai, pour ma part, jamais été partisan d’un étroit fatalisme ; du moment que ma conscience me semblait libre, j’ai admis qu’elle était libre, et quant aux incursions de la science dans le domaine de l’art et de la philosophie, je les trouve aussi déplacées que ridicules.

Je suis même étonné de voir à quel point la science me laisse froid. Je l’admire dans ses manifestations vitales, quand elle soulage ou qu’elle guérit, mais toute sa partie théorique me semble caduque, changeante et d’autant plus prétentieuse qu’elle est plus sujette à erreur.

Quant aux sentiments et à leurs variations, je crois avoir apporté à cette étude une bonne foi et