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DE L’IMAGINATION

point à la gravitation cosmique, sociale et morale.

Si l’on se place sous cet angle, ne croirait-on pas que l’imagination est une perpétuelle conseillère de liberté ? La doctrine des finalités a fait son temps. Nous n’admettons pas qu’une faculté ait été donnée à l’homme dans un but défini et restreint. Mais il est certain que l’univers moral, tout comme l’univers matériel, a une tendance à préserver, à maintenir son équilibre et son harmonie. Pour la conservation de celle-ci, il fait parfois d’étranges sacrifices.

Que nous deviendrait l’univers si nous ne pouvions le prolonger, le modifier par les images ? Par elles, encore plus que par l’association d’idées, notre puissance sensible est perpétuellement en éveil et en acte.

Ne connaissons-nous pas une classe d’esprits chez lesquels l’imagination n’est que l’introductrice du divin ? Après une période de ténèbres, voici qu’à nouveau l’on s’intéresse aux écrivains mystiques. Le souffle grandiose qui les anime reprend un sens à notre époque, et les tâtonnements autour des symboles témoignent d’une inquiétude de la pensée qui veut s’affranchir de ses liens.

Lorsque la conscience est captive, c’est par l’imagination qu’elle s’évade. Que fait le prisonnier ? Il songe au temps qu’il était libre, aux