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Page:Léon Daudet – Alphonse Daudet.pdf/42

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ALPHONSE DAUDET

nous ouvrent la vie. « Il est un âge, s’écriait-il, où l’on est achevé d’imprimer. Ensuite viennent des seconds tirages. » Et souvent je l’ai trouvé occupé par cette pensée, corollaire de la précédente : « Il y a dans l’homme un centre, un noyau qui ne change pas, ne vieillit pas, n’acquiert pas de rides. De là l’étonnement devant la chute si prompte des années, les modifications fonctionnelles et physiques. »

Quand une de ces remarques le tenait, il ne se satisfaisait point d’une formule, même nette et définitive. D’abord la formule l’effrayait. Il voyait en elle l’image de la mort. Il voulait la nourrir d’exemples. Il pensait que le jour où elle ne s’appliquerait plus directement à la vie, elle perdrait de sa sincérité, elle deviendrait une feuille morte. « L’humanité ! » grand mot qui renferme toutes ces tendances que je déplisse ici pieusement, mot de sang et de nerfs qui fut la devise de mon tendre ami.

Ces dernières années, nous sortions fréquemment ensemble. Tant qu’il put choisir lui-même sa voiture à la station, ce fut toujours la plus minable, la plus sordide, celle qu’il pensait que nul n’accepterait. Je me rappelle un très vieux cocher, conduisant à peine un très vieux cheval, assis sur le siège branlant d’un de ces fiacres fan-